Adriana repoussa doucement son amant et s'isola une fois encore. Mais cette fois-ci, elle choisit pour sanctuaire son atelier, afin d'écrire.

C'était son endroit à elle. La pièce où personne n'allait, sauf pour aller dans la salle de sport attenante. La pièce où elle entreposait ses affaires personnelles dans la malle vers la fenêtre, dans les tiroirs du bureau et de la commode... Elle peignait, dessinait, lisait, et surtout écrivait en ce lieu lumineux et coloré.

Adriana écrivait depuis l'adolescence, pour exprimer ses pensées, mais n'avait jamais envisagé d'être auteur. Du moins, de publier ses écrits. Elle voulait seulement mettre des mots sur ses sentiments, notamment sur ses peines. Le reste, à ses yeux, était sans importance : la renommée, la reconnaissance d'un éventuel talent ne l'intéressaient guère.

La jeune femme, bouleversée, oublia le monde et rédigea ce qu'elle jugeait bon de garder en souvenir.

Le passé ne devait pas empêcher d'avancer, certes, mais il ne fallait pas non plus le négliger. Il l'avait construite, il l'avait remaniée, il l'avait détruite et enfin, lui avait permis de trouver une issue.

Elle devait tout à son passé. Elle lui devait son présent et son futur.

Et ceux qui avaient forgé ce passé devaient être remerciés. Pas par des mots, mais par des actes futurs. Ainsi, Ana avait de nombreuses dettes à son actif, et elle n'était pas une personne ingrate.

Elle savait se souvenir, une capacité rare, pour son espèce.

Et c'était là sa principale qualité.

Joshua, impuissant face au chagrin de son amoureuse, alluma la console du salon et se lança dans une partie de jeu vidéo. Il ne put se concentrer sur le jeu et une pensée lui traversa l'esprit. Les parents d'Ana partis, la chambre d'ami était de nouveau libre. Il abandonna son jeu, sortit son téléphone de sa poche et composa un numéro.

 - Lucia ? Je te dérange pas, j'espère ?

- Pas du tout. Un problème ?

- Non. J'ai  juste une faveur à te demander.

- Laquelle ?

- Faisons un  marché. Moi, je te présente Carlos Stenford, ton styliste préféré, ton idole, etc... Et toi, de ton côté, tu me rends service en allant taper sur les nerfs de Sandro jusqu'à ce qu'il accepte de venir vivre chez moi. Tu souhaites tenter de résister à la tentation de voir Carlos Stenford, peut être ?

- Quel petit manipulateur ! Tu caches bien ton jeu ! s'amusa Lucia. Je te pardonne cet écart de conduite, vu que c'est pour la bonne cause. Mais je te rappelle tout de même les crimes qui pourraient me pousser à te tuer : faire du mal à Ana en lui mentant, tromper Ana, tuer Ana ou quelqu'un d'autre et, enfin, rompre avec elle alors que ma meilleure amie a encore des sentiments pour toi, énuméra-t-elle, très sérieuse. Sinon, j'accepte d'aller pourrir la vie à ton ami avec plaisir.

Lucia savait pertinement pourquoi Joshua l'embarquait dans cette affaire ; Sandro pouvait tenter le pire. Le laisser seul chez lui, c'était comme creuser sa tombe. Et elle ne tolérait pas cette menace, aussi avait-elle fait un petit sermon à Joshua. De cette manière, il ne se souviendrait pas qu'elle n'avait pas hésité. Il se rappellerait seulement à quel point il avait été soulagé quand elle avait fini son petit discours inutile. En effet, Joshua ne pouvait enfreindre les règles convenues entre eux, exepté s'il était victime d'un trouble mental.

- Merci, Lucia. Tu es vraiment quelqu'un de bien.

- Je sais. Ana m'a dit que tu allais le voir un jour sur deux, laisse-moi y aller ceux où tu ne vas pas le voir. Ce sera plus efficace pour le surveiller, comme ça.

- Tu as raison. Quand dois-je t'obtenir un rendez-vous avec Carlos ?

- Trouve-moi un créneau la semaine prochaine. Je dois aller à Bridgeport, de toute façon.

Ce que Lucia ne dit pas, c'est qu'elle connaissait déjà ce styliste, ils échangeaient même des mails. Lorsque Joshua appellerait, Carlos serait déjà au courant du fait que Joshua ne savait pas que les présentations n'étaient plus de rigueur. Lucia s'entendait si bien avec Carlos qu'il accepterait de rentrer dans son jeu : "Rencontrer une styliste prometteuse de votre connaissance ? Bien sûr, Joshua."

Joshua était peut être manipulateur pour arriver à ses fins, mais elle, elle avait grandi dans le quartier le plus huppé de Bridgeport, le monde de l'intrigue et du secret. Et la rousse en avait tiré une certaine expérience.

Quoi qu'il en fût, le plus important était que Joshua ne saurait jamais qu'elle ne désirait rien en contrepartie de son terrible sacrifice, sinon de savoir Sandro en vie. La belle rousse ne chercha pas à comprendre d'où lui venait cet accès de générosité.

- Ok, répondit Joshua. Passe une bonne soirée.

- Toi aussi.

A peine eut-il raccroché qu'Ana l'appela pour manger. Ensemble, ils sortirent couverts et assiettes et s'assirent à la table de la cuisine pour profiter des saveurs envoûtantes de la ratatouille faite par Adriana.

- C'est très bon, mon coeur.

- Merci.

Et le reste du repas fut silencieux. Joshua voulait laisser du temps à sa belle pour réfléchir. A la fin du repas, il se chargea de la vaisselle et Ana monta dans la chambre.

En la rejoignant, il eut une surprise, et de taille. Sa fiancée l'attendait en petite tenue, plus précisément dans un corset, et avait  pris une pose aussi aguicheuse que sensuelle.

- Tu es magnifique, mon amour, chuchota-t-il, le coeur battant à tout rompre.

 - Approche...

Il  s'exécuta, animé par un désir intense. Ils s'embrassèrent avec passion et basculèrent sur le lit.

- Tu es sûre de vouloir faire l'amour ce soir ? haleta-t-il entre deux baisers. C'est... peut être une mauvaise idée.

- Oui, chuchota-t-elle au creux de son oreille. J'en suis certaine.

Leur désir s'amplifia et ils s'aimèrent dans le sens le plus physique du terme.

Après ce doux moment, Joshua regarda la jeune femme et dit, tout bas :

- Je t'aime.

- Je t'aime aussi, murmura Ana, émue par ce moment d'amour très tendre. Je t'aime tant que ça me tue, parfois.

Ils sombrèrent rapidement dans un sommeil bienvenu et réparateur.

***

Deux mois plus tard, le couple continuait encore et toujours son bout de chemin. Ce jour-là se trouvait être la veille du mariage des deux tourtereaux et tous deux étaient impatients d'ouvrir une nouvelle page de leur histoire.

Ana avait eu du mal à s'endormir la veille : ses parents arrivaient ce jour-là pour participer à la fête organisée par le jeune couple et assister au mariage le lendemain. Elle avait tellement hâte de les voir...

De son côté, Lucia enchainait toujours les aventures de quelques nuits et Sandro... était encore en vie. La belle rousse avait tenu sa promesse et allait le pousser à bout tous les deux jours. Piques et mesquineries étaient devenues leur quotidien. Toutefois, Lucia s'avoua que la cible de son cynisme était coriace : il n'avait jamais perdu son calme et ne l'avais jamais mise dehors, il endurait simplement les heures passées avec elles avec indifférence. Ce n'était pas bon signe.

Ce matin-là, en se levant, Lucia songeait même à lui faire croire qu'elle l'aimait. Elle aurait ainsi le plaisir de le voir décontenancé et de le voir enfin sortir de ses gonds. Cette pensée l'amusa hautement.

Quant au petit couple, il se leva tranquillement et fit le lit soigneusement.

De part et d'autre du lit, ils se sourirent et regrettèrent immédiatement d'avoir refait leur nid d'amour. Pourtant, ils avaient un programme chargé. La fête qui aurait lieu ce midi-là nécessitait une certaine préparation. Ils avaient déjà engagé un barman pour l'après-midi, mais Adriana devait cuisiner et Joshua avait à choisir la musique et à finir l'aménagement d'une petite partie du jardin.

Ils grignotèrent à la va-vite le petit déjeuner et montèrent, main dans la main, dans la pièce du berceau. Ils avaient pris l'habitude d'utiliser cette pièce pour quelques moment intimes où ils parlaient de leur avenir. Cette fonction fut également de rigueur ce jour-là.

Leurs silhouettes n'en formèrent plus qu'une et leurs bouches se réunirent naturellement, attirées l'une à l'autre.

Joshua, tout en savourant les lèvres de sa belle, tenta, en vain, de réciter dans sa tête les phrases qu'il avait prévues de lui dire.

Losrque leurs lèvres se séparèrent, ils prirent le temps de reprendre leurs souffles.

- Ana... Nous nous marions demain, Lucia et Carola se chargeront des derniers prépratifs pour te laisser te reposer et tu as réussi à obtenir une nouvelle étoile à ton hôtel... Alors, si tu le veux bien...

Le jeune homme éleva sa fiancée du sol et elle émit un petit cri de surprise.

- Je voudrais qu'on commence à  essayer de faire un bébé. Demain soir, par exemple. On pourra continuer les nuits suivantes, bien sûr...

Ana accueillit avec un rire le sourire malicieux de son amant. Puis, elle reprit son sérieux. Etait-elle prête à devenir mère ? Elle se remémora ce qu'elle avait pensé la dernière fois qu'ils en avaient parlé. "Elle ne connaitrait les réponses à ses questions que si elle devenait maman."

- Je veux aussi un bébé de toi, mon chéri. Je veux être la mère de tes enfants. Je veux connaitre le bonheur de tenir une part de toi et de moi dans mes bras et te regarder chaque jour à travers notre enfant. Je veux un enfant de toi.

Les phrases avaient fusé sans aucune hésitation, sans montrer ses réelles émotions. Adriana Cruz avait passé le cap : la vie qu'on lui avait donnée devait servir à en créer d'autres. Tel était le cycle de la vie.

Surpris, soulagé et fou de joie, il bafouilla :

- Tu... Tu as dit oui ?

- Oui.

Il la reposa sur le sol, peinant à y croire. Puis, le jeune homme l'attira à lui et posa les mains sur ses joues toujours aussi roses que le jour de leurs fiançailles.

- On va devenir parents ! réalisa-t-il.

- Oui ! s'exclama sa belle en riant et en caressant sa joue.

***

Plus tard, il fallut bien qu'ils vaquèrent à leurs occupations. Mais tous les deux avaient l'impression d'être sur un petit nuage et comprirent que faire quoi que ce fut qui nécessita un tant soit peu de concentration n'était pas possible pour le moment. Joshua s'occupa donc de lancer une nouvelle machine et Ana se lança dans une nouvelle toile.

Ces deux âmes-soeurs, bien que très différentes, n'avaient qu'une seule chose en tête : ils avaient pris l'énorme décision de ne plus juste se protèger eux-mêmes, mais de favoriser, désormais, la survie d'un autre être humain : leur enfant.

Joshua envoya ensuite un texto à Ana pour la prévenir qu'il allait s'autoriser une courte séance de planche et se rendit sur la côte.

La demi-heure qui suivit lui permit de se vider l'esprit. Le vent, le bleu du ciel et de l'eau, l'émurent soudainement. En vérité, il le comprit quelques secondes après cette vague de sentiments, il assimilait le fait qu'il devenait adulte et qu'il tournait la page "jeunesse insouciante" de sa vie.

Peut-être le futur lui promettait-il un meilleur avenir... Peut être serait-il heureux. Peut être ne serait-il plus hanté par cette terrible soirée que lui avait raconté Sandro. Une soirée tellement absurde... Tellement absurde qu'il ne croyait pas au récit de Sandro.

Ema n'était pas morte. Elle ne pouvait reposer six pieds sous terre.

Il revint sur la terre ferme et rentra s'occuper du choix des musiques et de l'aménagement du jardin.

Une fois terminé, cela ne rendait pas si mal, pensa-t-il.

Ana, bien avant son retour, avait quitté pinceaux et couleurs pour rejoindre cuisinière et ingrédients.

***

A midi, les invités arrivèrent petit à petit à la Florale. Ana eut la joie de serrer ses parents dans ses bras - elle ne s'en lassait pas. Elle accueillit également chaleureusement ses autres invités : Lucia et Sandro, bien sûr, mais aussi des amis de Joshua : Matteo...

Et Cristian.

S'inquiétant de ne pas voir ses amies arriver, Adriana consulta son téléphone. Elle avait deux SMS non lus : ses deux amies avaient un empêchement. Déçue, la jeune femme fit tout de même bonne figure. Elle leur raconterait la fête, cela compenserait. La jeune femme fit les présentations et on passa à table. Au menu, sandwich et salade, rien de complexe. 

 Le repas se déroula dans la bonne humeur et ne manqua pas de plaisanteries dirigées, bien souvent, vers les futurs mariés. A la fin du repas, tout ce petit monde se pressa sur la piste installée par Joshua.

La belle Ana accorda une danse à celui qu'elle considérait comme son père.

- Je suis déçue, confia-t-elle à Sebastian. Mes amies, sauf Lucia, n'ont pas pu venir.

- Mais tout le monde est là, à part elles. C'est déjà bien, non ?

- Tu as raison. Il faut positiver. J'étais vraiment impatiente de vous revoir.

- Nous aussi. Mais on a beaucoup parlé au téléphone, ça nous a tous fait du bien, je pense.

Quant à Lisandro, il faisait l'effort de danser et même de parler avec Matteo et Cristian, les amis de Joshua, avec qui il s'entendait bien.

Un rire provint même de sa gorge quand Matteo raconta une blague. Pour son meilleur ami et sa fiancée, il était prêt à bien des sacrifices... Et s'il fallait feindre le bonheur quelques jours, il le feindrait. Pour eux. Même si Joshua l'avait trahi en lui imposant la présence de la rousse.

Joshua, pendant ce temps, discutait avec sa belle-mère de la réception du mariage. Celle-ci était très enthousiaste de voir sa fille se marier.

Entre temps, la belle Lucia, resplendissante dans sa jolie robe, avait remarqué Cristian et son charme. Autrement dit, il la faisait craquer, et depuis son arrivée, elle restait silencieuse, trop occupée à observer le jeune homme.

***

Plus tard, les paires originelles s'étaient reformées. Ana et Joshua. Sebastian et Carola. Deux couples amoureux, solides et qui laissaient penser au reste du monde que la vie à deux était possible, si on trouvait la bonne personne et si on faisait des compromis. Certains trouvaient l'âme-soeur à vingt-deux ans, d'autres à trente-sept ans. D'autres encore bien plus tard, et enfin, certains étaient tout simplement incapables de la reconnaitre quand ils la voyaient. C'était peut être cela qu'on apellait "savoir saisir sa chance".

 

Ana et Joshua évoluaient dans un monde où les autres n'existaient plus depuis que leur mains s'étaient effleurées pour danser un slow. Les yeux bleus plongeaient dans les yeux verts, les yeux verts dans les yeux bleus, et plus rien d'autre ne comptait.

 

- Je n'arrive pas à croire que je vais épouser la femme de ma vie, demain, murmura-t-il.

- Moi non plus. Je n'y arrive pas. Mais c'est vrai. Ma vie repose sur ta simple existence, mon amour.

Joshua sourit, sans répondre. Elle représentait son avenir. Il se jura de renoncer à tout pour elle, si cela était nécessaire.

- C'est un honneur de vous rendre heureuse, Melle Cruz.

Bien que l'ambiance se voulait plus légère pour le couple de quadragénaires, le romantisme pointait également le bout de son nez.

Mais les années de promesses étaient finies, pour eux deux. A présent, Carola et Sebastian savouraient juste leur confiance et amour mutuels. Et ce, sans prononcer un seul mot.

Carola, en tournoyant sur elle-même, se dit que cette période de sa vie était bien loin d'être désagréable.

***

Lucia se décida à approcher sa "proie", ce qui agaça profondément Sandro. Il détestait être témoin de flirts et cela le conduit à s'isoler dans la cour d'inspiration patio.

Pour oublier les souvenirs qui remontaient du passé, il se convainquit qu'il était bien mieux ici, à l'ombre, qu'en plein soleil à observer la rousse batifoler.

- Vous êtes Cristian, c'est ça ? Moi, je suis Lucia, la meilleure amie d'Ana.

- Je sais. On oublie jamais le prénom correspondant à un aussi joli visage que le vôtre, se justifia-t-il avec un regard et un sourire emplis de sous-entendus.

Lucia sut que la bataille était gagnée d'avance.

- Dites-moi, vous êtes célibataire ?

- Vous êtes directe, vous ! fit-il en souriant. Mais oui, je n'ai personne.

- Je vois... Attendez-moi ici.

Elle revint avec une bouteille dont le contenu était aussi fruité que... gazeux.

- Vous n'y pensez pas ? demanda Cristian, pris au dépourvu.

- Vous avez osé dire que vous n'aviez personne alors que je vous avait fait des avances, mon cher. Alors, oui, j'y pense ! cria-t-elle avec un sourire triomphant.

Elle enleva son pouce de l'extrémité de la bouteille et pointa celle-ci sur celui qui l'avait offensé.

Le jet vengeur trempa la chemise de Cristian, qui ne s'en énerva pas. Au contraire.

Quant aux autres, ils avaient assisté, amusés, à la scène et cela leur avait fourni des idées... Lucia ne s'était pas contentée d'acheter une seule bouteille pétillante.

Sandro quitta même son repaire pour faire partager cette expérience à Joshua. Cela lui apprendrait à lui envoyer Lucia un jour sur deux chez lui ! Il arriva donc par derrière.

- Joshua ? Je dois te parler d'une chose, dit le beau brun le plus sérieusement possible.

Joshua, qui était toujours dans un autre monde où seul son amour pour Ana avait un sens, s'éloigna de sa belle et lui prit amoureusement les mains.

- Qu'est-ce que tu veux ? lâcha-t-il, un peu agacé d'être interrompu pendant un moment si merveilleux, et sans se retourner. Je suis un peu occupé avec ma chérie, là, ajouta-t-il en souriant.

- Vous prendrez une chambre après, je dois te parler, insista le brun.

- Je reviens dans un instant, ma puce, informa-t-il Ana.

Il se retourna et fut aspergé à son tour.

- Hé ! cria-t-il pendant que Sandro riait. T'es vraiment un gamin.

- T'as vingt-six ans et tu vas te marier, rétorqua le brun. Ton meilleur ami a le devoir de pimenter ta dernière journée de liberté. Et a le droit de se venger d'un coup bas.

Joshua rit à son tour.

- Ok, je suis désolé. Mais Lucia est une fille sympa, sauf avec toi. La candidate idéale au poste de ton enquiquineuse personnelle.

- Tu vas lui dire d'arrêter de venir, alors ? espéra Sandro.

- Non. Viens à la maison. Juste deux mois. Le temps de reprendre goût à la vie, chuchota-t-il.

- Il faudra plus que ça, Josh.

- Non, commença-t-il, c'est...

Il s'interrompit en voyant les visages de Cristian et de Lucia se rapprocher.

Il la vit aussi se jeter à ses lèvres avec passion.

- Tiens, Cristian va coucher avec Lucia ce soir, commenta Joshua d'un ton neutre.

Sandro retourna dans le patio, profondément en colère. Quelle fille facile, celle-là ! Et c'était quoi ce besoin de s'étaler ainsi ? pensa-t-il.

Joshua décida de le laisser seul. S'il y avait bien un point commun entre Ana et son meilleur ami, c'était leur besoin régulier d'être seul.

Quelques minutes plus tard, Lucia et Cristian était toujours accrochés l'un à l'autre. La belle rousse se dégagea, un peu confuse et jugeant qu'il était temps de faire le traditionnel petit discours.

- Excusez-moi, cria-t-elle pour couvrir la musique, j'aimerais faire mon speech.

Tout le monde se réunit et elle put commencer.

- La demoiselle à côté de moi a toujours eu beaucoup de goût en matière d'hommes. Vous en voulez la preuve ? Elle aime le même genre d'hommes que moi.

Un rire secoua la petite assemblée.

- Par exemple, le jour où nous nous somme rencontrées, nous avons flashé sur la même personne. Vous n'allez sans doute pas le croire, mais je lui ai proposé de laisser tomber ce gars et d'aller boire un verre. Moi, Lucia. Malgré l'incohérence de cette demande, je sais que j'ai bien fait. Car, en quelques heures, j'ai su qu'Ana serait une amie pour la vie. Et j'avais raison, puisque je suis là, devant vous, sept ans plus tard. Pour en revenir à nos préférences communes, je ne peux qu'approuver ce mariage. En effet, Joshua ne m'attire pas. Je ne serais donc pas tentée de trahir ma meilleure amie, et en plus de gagner un mari, ma gentille Ana assure notre amitié pour encore de nombreuses années. C'est tout bénéf ! affirma la belle rousse.

Tout le monde fut conquis par la fraicheur et l'insouciance de Lucia et on l'applaudit. Sauf Sandro, qui était encore trop en colère.

Ana se pencha à l'oreille de son amie et chuchota en souriant :

- Je savais que je n'aurais pas dû te demander de faire un petit discours.

- Eh oui ! se moqua Lucia.

Tout le monde rentra dans la maison, par la suite, pour se désaltérer, exceptés Lucia et Sandro. Ce dernier retourna dans le patio et Lucia le suivit, curieuse. Le jeune homme s'assit et Lucia ne put contenir plus longtemps ses sentiments en le voyant seul et grognon à nouveau.

- J'en ai assez, lâcha-t-elle.

- Assez de quoi ? demanda-t-il d'un ton sec.

- De te voir te foutre en l'air. Des gens meurent tous les jours en priant de continuer à vivre. Et toi, tu fous ta vie en l'air. Je sais que tu souffres. Mais ça fait quatre ans, Sandro. Quatre ans ! Tu dois te reprendre. Tu dois vivre ! cria-t-elle, incapable de retenir sa colère. C'est une chance de se réveiller le matin avec une journée à la clef. Sandro... La vie est peut être un cadeau empoisonné, parfois, mais ça reste un cadeau. Regarde-toi. Est-ce là l'homme que ta femme voulait te voir devenir ? Tu n'apportes plus rien au monde alors que tu es peintre. Tu pourrais t'engager pour les plus démunis, ou dénoncer certaines pratiques. Tu pourrais redevenir un type bien.

Sandro baissa la tête, tout à coup désespéré.

- Depuis qu'elle est partie, je ne vois plus. Je ne vois plus le monde, ni les paysages qui m'entourent, ni même ce qu'il faudrait changer. Je ne vois plus que le vide qu'elle a laissé. Une partie de moi est morte avec elle.

Lucia était sincèrement triste pour lui.

- Si une partie de toi est morte, reprit-elle plus doucement, ce n'est certainement pas celle qui fait de toi un artiste portant un regard particulier sur le monde. Tu dois défendre tes idées, comme avant. A dix-huit ans, tu as peint un enfant squelettique et tu as appelé le tableau Ne craignez plus la fin du monde, vous l'avez sous les yeux. Tu étais engagé. Redeviens l'homme généreux que tu étais. Par gratitude. Et surtout, n'oublies pas que tu es vivant. Car, pour l'instant, tu n'es plus qu'un fantôme de l'ancien Sandro.

Le jeune homme, furieux contre cette petite prétentieuse, mais surtout contre lui même, hurla :

- Et toi, tu crois que tu vis pleinement ta vie ?

- Non, reconnut-elle. Mais je me bats. Pas toi.

Sandro la regarda s'éloigner avec un étrange sentiment. Pour la première fois, il avait vu la lumière qui entourait Lucia. Celle que tout le monde lui enviait, celle qui faisait de la jeune femme un rayon de soleil. Celle qui la rendait à part. A ses yeux, Lucia incarnerait désormais l'espoir. Et cette pensée le mit en émoi.

Lasse, elle partit retrouver Cristian, qui l'attendait dans le hall, et l'embrassa. Puis, elle le regarda droit dans les yeux et chuchota :

- Tu viens dormir à la maison, après ? lui proposa-t-elle.

- Avec plaisir.

Tandis que ces deux-là roucoulaient, Sandro s'était levé du banc et envoyait à présent un texto à Joshua :

Je dois partir. C'était sympa. On se voit demain.

Au coucher du soleil, après plusieurs verres, les invités se retirèrent. Ana remarqua que Lucia et Cristian partaient ensemble... Elle paya le barman et informa ses parents et son amoureux de ses intentions :

- Après toutes ces heures à faire la fête, je ne rêve que d'une chose, regarder la télé avec vous.

Et son souhait fut exaucé. Après un repas constitué des restes du midi, ils s'assirent tous devant la télévision pour passer une soirée familiale tranquille.

***

Chez Lucia, l'ambiance se trouvait être bien différente... En vérité, elle fut dédiée à la sensualité.

***

A vingt-trois heures, chez Ana et Joshua, chacun monta dans sa chambre.

 Les fiancés, rêveurs, se laissèrent aller à leurs pensées pleines de rêves et de projets d'avenir et ce, allongés sur leur lit.

-  Je ne pense pas que je vais réussi à m'endormir, confia Ana à son amoureux. J'ai tellement hâte !

- Moi aussi. Et je suis un peu tendu aussi.

Elle vint se réfugier dans ses bras et il prit sa main pour entrelacer leurs doigts.

- Ne me dis pas que tu doutes, je ne te croirais pas, affirma-t-elle.

- Non, c'est juste que c'est une étape très importante. Je veux la réussir. Pour toi. Pour nous.

Touchée, elle pressa ses lèvres contre celles de son amant.

- Tu as toujours été un partenaire parfait, mon amour.

Ils finirent par tomber paisiblement dans le monde des rêves, anxieux et comblés par un fait : dans moins d'une journée, ils seraient mari et femme.

 

Lire la suite !