Trois semaines plus tard...

Les jeunes mariés avaient repris le travail depuis deux semaines déjà mais, ce jour-là, ils étaient tous deux de repos et comptaient bien jouir d'une journée paisible et passée en loisirs. Malheureusement, une certaine jeune femme n'était pas de bonne humeur et voulut le faire savoir à son cher et tendre pendant le petit déjeuner pris en terrasse.

Joshua, si innocent, ne vit rien venir et croqua dans le cookie encore tout chaud.

- Hum... J'adore quand tu cuisines pour moi, ma puce.

- C'est à dire tous les jours, rétorqua Adriana, agacée.

- Je croyais que tu adorais cuisiner pour ton chéri, s'étonna Joshua en posant son cookie.

Exaspérée, Ana leva les mains vers le ciel.

- Ca ne veut pas dire que c'est à moi de tout faire dans la maison !

Joshua continua à mâchonner tristement son cookie et répondit,  exaspéré à son tour :

- Je t'en prie, Ana. La femme de ménage t'aide beaucoup.

- Ne me parle pas sur ce ton "Soyons raisonnable et calmons-nous." ! s'emporta pour de bon la blonde. J'en ai assez d'être la brave petite Ana, gentille et souriante en toute circonstance ! Je veux plus qu'un mari qui me prend pour sa bonne !

Dépité, Joshua regarda sa belle engloutir le reste de son cookie et rentrer dans la maison d'un pas vif et énergique. Il soupira. Qu'est-ce que sa femme avait depuis quelques jours ? Le jeune homme effectua ensuite la vaisselle, résigné.

De son côté, Ana avait pris la direction de son atelier et, une fois arrivée, elle s'effondra sur le tapis, au centre de la pièce. Ces mots, ce ton, cette mauvaise humeur, ce n'était pas elle. D'ailleurs, elle n'avait même pas voulu dire tout cela. Que se passait-il dans son esprit et dans son corps pour qu'elle soit d'humeur aussi exécrable ?

Une vibration de son mobile interrompit ses sombres pensées, aussi se força-t-elle à se relever pour répondre. L'appel venait de l'une de ses connaissances, elle lui demandait d'apporter chez elle un plat destiné à un déjeuner familial mais dont la préparation était complexe. Bien entendu, ce service lui sauverait la mise et serait rémunéré.

Ana, malgré la colère qu'elle éprouvait et qui ne s'expliquait pas, accepta de bonne grâce et se mit à la tâche sans grand entrain.

 ***

De son côté, Joshua décida de se rendre sur la côte pour se changer les idées et prendre du recul par rapport à sa dispute avec son épouse. Ainsi, il exécuta quelques figures à l'aide de sa planche et retrouva un peu de gaieté. Puis, il échangea sa planche contre son matelas gonflable et s'installa dessus dans le but de réfléchir. Il songea à Ana et son plus beau souvenir avec elle lui revint en mémoire... Le moment précis où la jeune femme avait accepté sa demande.

Les paroles d'Adriana résonnèrent dans son esprit : En cet instant, tu es déjà mien.

 Le jeune homme ne put réprimer un sourire. Si elle avait réussi à lui dire oui, après tout ce qu'elle avait enduré au sujet de son père... Lui devait bien être capable d'accepter des compromis et de s'excuser sincèrement. Décidément, Joshua ferait tout pour la femme dont il était épris. Même si, pour cela, il devait déplacer des montagnes ou si, en l'occurrence, il devait mettre son ego de côté.

 ***

A midi, Joshua rentra à la Florale et se mit à la recherche de sa femme. S'attendant à la trouver devant les fourneaux et désormais habitué à ses sautes d'humeur, qui étaient d'ailleurs de moins en moins espacées, il se dirigea vers la cuisine.

Et, en effet, la jeune femme était bien là, en compagnie de ses ustensiles. Elle remuait frénétiquement une substance jaunâtre, le front plissé et les nerfs à vif.

- Tu te souviens du jour où je t'ai demandé de m'épouser ?

A ces mots, Ana se détendit et sourit sans même s'en apercevoir.

- Ce n'est pas souvent que tu n'arbores pas ton sourire charmeur, fit-elle remarquer d'une voix douce, émue par ce souvenir si spécial.

- Pour la première fois de ma vie, j'avais peur d'essuyer un refus, un échec sentimental. Mais tu as dit oui.

En orateur consciencieux, il marqua un répit et reprit :

- Ana, je t'aime plus que tout au monde. Je sais bien que ça ne suffira pas à faire durer notre couple, mais... Je suis nul en cuisine. Je serais capable de faire brûler la maison. J'ai... j'ai besoin de toi pour ça et pour tout ce qui rend ma vie digne d'être vécue. Alors, si tu veux que je t'aide davantage, je le ferai. Mais, s'il te plait, ne me laisse jamais seul dans cette pièce que tu aimes tant... Et puis, on pourrait aller plus souvent au restau, ce n'est pas un souci. Je suis désolé. J'aurais dû être plus attentif à ton bien être.

Adriana, pendant cette tirade, avait versé la mixture dans une casserole et posa cette dernière sur le comptoir. Puis, elle se tourna vers son mari, un sourire contrit aux lèvres.

- Pardonne-moi. Je suis fatiguée et à cran, en ce moment. Je ferais mieux de lever le pied et de me reposer plus. Mais, en tout cas, ce n'est absolument pas de ta faute. Je sais que tu fais tout ce que tu peux pour m'aider et me rendre heureuse. C'est juste que...

Elle s'interrompit et vint se blottir dans les bras de son mari, son ami et confident.

- Là, ce n'est pas grave, ma puce. Tu es juste un peu à fleur de peau.

La jeune femme pensa en son for intérieur que c'était plus complexe que cela, sans vraiment savoir en quoi.

- Je suis content qu'on ne soit plus fâchés. Je n'aime pas quand on se dispute, avoua Joshua.

- Moi non plus. Dis, si on allait au restaurant ce midi et qu'en passant on déposait ce plat à l'une de mes connaissances ?

Ils s'écartèrent l'un de l'autre.

- On a encore fait appel à tes talents de chef ?

- La célébrité n'est plus très loin, plaisanta Ana.

- Du moment que je reste ton fan numéro un...

 ***

Quant à Sandro, il s'était mis sur son trente-et-un et avait préparé une salade dans la cuisine de son nouveau bateau. D'ailleurs, il venait juste de finir de mettre la table lorsqu'on sonna à sa porte.

Le brun se douta de l'identité de son visiteur et dit clairement :

- Entre, Lucia !

La belle rousse s'exécuta.

- Alors ? Comment ça va, aujourd'hui ? s'enquit Lucia avec bonne humeur.

La subtilité des traits de son visage n'échappa à Sandro, qui était charmé de voir son invitée. Ces trois dernières semaines, leur relation avait beaucoup évolué. Ils étaient devenus complices, tels des amis proches. Aussi répondit-il :

- Plutôt bien, en fait. Surtout que tu dines avec moi.

La jeune styliste ne put s'empêcher de sourire.

- Merci du compliment.

- Il était sincère. Comment s'est passée ta journée ?

- Un véritable enfer, décréta la belle rousse. Mon supérieur n'a pas du tout apprécié mes derniers croquis donc je dois tout refaire.

 - Ah mince. Mais je suis sûre que tu vas réussir à l'éblouir.

Elle y arrivait bien avec lui, pensa Sandro.

- Tu vas me faire rougir, dit simplement Lucia.

Après quelques minutes supplémentaires de discussion, ils prirent place autour de la table.

Et, une fois les assiettes vides, ils allèrent sur la terrasse, où Sandro admira la vue sans prononcer un mot pendant que Lucia paressait sur une chaise longue confortable.

- Ton nouveau bateau est décidément superbe. J'adore, vraiment.

- Merci. Je voulais un ensemble moderne et... nouveau. Frais.

- Je vois. Dis-moi, Sandro... Si on testait ta chaine ?

- Vos désirs sont des ordres, Madame.

C'est ainsi que, deux minutes plus tard, Lucia se retrouva face à Sandro et eut la surprise d'entendre un slow.

- Impossible de trouver quelque chose de supportable pour toi à part ça, se justifia-t-il.

Les deux amis se rapprochèrent donc tout naturellement, comme si ce n'était pas la première fois qu'ils étaient aussi proches l'un de l'autre.

Et sans qu'ils le sachent vraiment, la soirée prit une toute autre tournure... Les premières étoiles apparurent dans le ciel du soir, et Lucia et Sandro étaient main dans la main, liés par leur bien être momentané, par leur besoin de ne penser qu'au moment présent... Par l'envie d'aimer à nouveau.

Bercés par la musique, transportés par la prise de conscience de ces nouveaux sentiments si intenses et si gratifiants, ils pénétrèrent dans un monde où rien n'avait la capacité d'être réel, excepté ce moment magique, grisant, excitant et terriblement troublant.

 - J'ai une confidence à te faire, chuchota la rousse. Je suis très fière d'être devenue ton amie.

- J'ai aussi une confidence à te faire. Je suis très heureux que tu fasses parti de ma vie. Et je te trouve sublime ce soir.

Soudain, Lucia sentit le souffle chaud de Sandro sur son cou et la jeune femme ne put s'empêcher de...

... Prendre possession de ses lèvres si tentantes et si attirantes.

Sandro ne résista pas et se laissa aller à profiter de ce baiser si désiré, si appréciable, si réconfortant.

Si unique.

Car c'était le baiser de son rayon de soleil...

Pourtant, le rayon de soleil, transi, se détacha de Sandro peu après et se détourna de cet homme à la fois si beau, si désirable mais... si subtilement et inexplicablement dérangeant.

Lucia songea à sa dernière rupture, à sa douleur, à celle de Sandro, et à Ema, la défunte femme de ce dernier. La culpabilité, impitoyable, s'insinua en elle telle une anguille.

- Oh Sandro... Je suis tellement désolée. Je... Je n'aurais jamais dû. Je vais te laisser. Pardonne-moi.

Et elle s'enfuit, complétement désemparée.

Sandro ne sut comment réagir ensuite et resta là, sur la terrasse, seul et déboussolé.

Puis, bien plus tard, il tira une chaise loin de la table d'extérieur et s'effondra dessus, profondément accablé. Comment avait-il osé tromper Ema ? Par quel moyen avait-il pu trahir son serment ? Pourquoi des besoins endormis pendant si longtemps devaient-ils resurgir ainsi, sans crier gare ? Pourquoi n'avait-il pas repoussé Lucia ?

Ces questions se bousculèrent dans son esprit de plus en plus tourmenté et il pria pour que la nuit lui portât conseil sur la marche à suivre.

Mais son choix concernait-il vraiment la marche à suivre ? Ou bien lui fallait-il choisir entre vivre pour Lucia et mourir pour Ema ?

***

Chez Joshua et Ana, la soirée se déroula sous la couette et, avant de s'endormir...

... Adriana chuchota :

- Je t'aime et je suis vraiment impatiente de tomber enceinte.

- Ne t'inquiètes pas ma puce. On aura un enfant. Et puis, qui sait, peut être qu'il y a déjà notre bébé dans ton ventre.

- Pourvu que tu dises vrai.

Joshua sourit, attendri par l'attitude de sa femme.

- Bonne nuit Ana. Je t'aime aussi.

Mais sa belle dormait déjà.

***

Le lendemain, à cinq heures du matin, Lucia fut réveillée par la sonnerie de la porte d'entrée. Après une nuit si agitée et si courte, la jeune femme eut beaucoup de mal à quitter son lit, qui jouait souvent le rôle de refuge dans la pièce de théâtre qu'était sa vie. Cependant, elle y parvint et descendit l'escalier en se demandant qui osait sonner chez elle à cette heure-ci. Arrivée dans le salon-cuisine, elle ouvrit la porte et...

... Elle tomba nez-à-nez avec Sandro.

 

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