-
Episode 13 : Le début d'une amitié.
-
Par Liamia le 1 Septembre 2013 à 23:18
Le lendemain, Ana et Joshua se réveillèrent tôt pour profiter de la première journée de leur lune de miel et dans le but de pratiquer leur loisir commun : la plongée.
Malheureusement, c'est ce jour-là que la douche choisit de faire des siennes et Joshua fut contraint de sortir ses outils.
- Fichue douche, ronchonna-t-il.
Tandis que son mari s'énervait dans la salle de bain, Adriana cuisinait en chantonnant gaiement. Hier, elle s'était mariée, mais curieusement, elle l'avait accepté aisément, comme si se marier était le bon choix, comme s'il n'y avait pas d'autres alternatives pour elle. C'était tout simplement si naturel, pour un couple comme le sien...
La jeune femme posa le bol sur le comptoir pile au moment où Joshua apparut dans l'encadrure de la porte reliant la salle à manger et la cuisine lumineuse.
Elle se tourna vers son mari et ce dernier lui vola un baiser par surprise.
- J'en avais très envie, se justifia-t-il avec désinvolture.
Elle sourit, encore et toujours amusée par la spontanéité de celui qu'elle aimait.
- Comment va mon époux ?
- Il est comblé. Il s'est marié avec la femme de sa vie hier.
- Oh... D'où le sourire persistant.
- On ne peut rien te cacher. Et toi ? Tu n'as aucun regret ?
- Comment le pourrais-je ? demanda-t-elle en fixant les yeux bleu-vert.
Ils gazouillèrent encore un peu, unis dans un bonheur si intense qu'il en perdait presque son sens.
Tout en avalant le contenu de leurs bols, ils discutèrent de la journée à venir, de ce qu'ils devaient emporter pour camper... En effet, au lieu de passer leur lune de miel à l'hôtel comme tout un chacun, ils avaient prévu de prendre leur tente et de s'installer dans l'un des campements de la ville... Ils voulaient une escapade romantique, certes, mais aussi légèrement rustique, pour rompre la routine le temps de quelques nuits...
Les jeunes mariées prirent donc le chemin menant à la côte et parlèrent de choses bassement futiles, exactement comme le jour de leur emménagement à la Florale.
Ils passèrent donc une partie de la matinée sous l'eau, et une autre sur le hors-bord, lovés l'un contre l'autre, de nouveau seuls au monde. A moins qu'ils se soient créer le leur...
Les cauchemars d'Ana et la tristesse de Joshua étaient bien loin, à présent. Le couple savait pertinemment bien qu'un jour ou l'autre, ils devraient de nouveau affronter le passé, mais à ce moment-là, le présent leur donnait tout ce dont ils avaient besoin... Et rien n'était plus agréable.
Oui, rien n'était plus agréable que de savourait un instant où on ne désirait rien de plus que ce que l'on possédait déjà, et ils gardèrent cela à l'esprit en explorant les fonds sous-marins d'un océan momentanément calme.
***
De son côté, Lucia comptait profiter de son jour de repos pour voir si un certain jeune homme torturé et ténébreux était toujours en vie.
La jeune femme traversa donc le ponton menant à la modeste demeure de Sandro en se demandant dans quel état elle allait retrouver les lieux et l'occupant de ces derniers.
Lui serait sans doute ivre ou léthargique. Et sa "maison", désordonnée et suppliant le monde entier d'être nettoyée, rangée et aérée.
A cette pensée, la belle soupira et respira une dernière fois l'air pur avant de tourner la poignée de la porte d'entrée.
Quelle ne fut pas sa surprise quand elle entra dans la pièce principale propre et dégageant une légère odeur de citron, où rien ne trainait sur le sol ou sur les meubles.
En tentant de surmonter ce sentiment, elle songea que Sandro, à cette heure-ci, devait boire tout son soûl sur sa terrasse, aussi revint-elle en arrière pour monter l'échelle avec difficulté ; ses talons la gênaient. Elle atteint la terrasse et releva la tête.
Lucia vit alors une chose qui lui glaça le sang : le corps de Sandro, étendu sur un transat de bois, était inerte et, tout à coup, elle eut peur qu'il fût mort ici, sous le soleil, après quelques verres de trop.
Elle courut vers lui en laissant un petit cri s'échapper de sa gorge. Pourvu que son coeur battît encore !
Arrivée près de lui, elle vit sa poitrine se soulever, ce qui lui arracha un sourire tant elle était soulagée.
D'ailleurs, elle soupira de nouveau, mais d'aise, cette fois. Puis, remise de ses émotions, la jeune femme lui secoua le bras sans ménagement aucun.
Le jeune homme bailla bruyamment et reprit doucement ses esprits.
- Hum... Qu'est-ce-qui-y-a ?
Il regarda le visage couvert de taches de rousseurs et s'aperçut de l'expression réjouie de la belle rousse.
- Et pourquoi tu souris comme ça ? Tu m'as préparé un mauvais coup ? la soupçonna-t-il.
- Pas du tout, lui assura Lucia en tentant d'arborer une expression neutre. Bon, j'avoue que j'ai bien songé à te faire une mauvaise blague, mais juste pendant une seconde, mentit-elle. Les vieilles habitudes ont la vie dure, que veux-tu...
Sandro ne dit rien, bien qu'il ait détecté le mensonge tout de suite. Son tempérament de feu camouflait mal sa gentillesse et sa générosité naturelles. Il saisit enfin qu'elle s'inquiétait pour lui et se promit de ne pas en tirer profit à son avantage lors de leur prochaine prise de bec, qui ne saurait tarder. D'autre part, la créature qui se tenait devant lui était tellement belle lorsqu'elle souriait... Il ne se sentait plus capable de la mettre en colère pour l'instant.
Sans un mot, Lucia s'allongea sur le transat voisin à celui de Sandro.
- Tu as rangé le salon-cuisine et la terrasse ? s'étonna-t-elle.
- Oui. Tout comme toi tu as opté pour une tenue plus décontractée que d'usage. Les gens changent, Lucia. Il le faut bien.
Il y eut un silence.
- Ana et Joshua se sont mariés hier. C'est étrange, j'ai l'impression que ça m'a foutu un coup de vieux, avoua Lucia. Pourtant, je mène une vie aussi active qu'à mes dix-huit ans.
- Oui mais on s'éloigne des années insouciantes, maintenant. On a tous les quatre vingt-six ans et... On commence à voir s'annoncer la trentaine.
Le vague à l'âme qu'ils partageaient à ce moment-là semblait les rapprocher, et Lucia osa formuler à voix haute la question qui la taraudait tant.
- Tu vas vraiment reprendre ta vie en main, alors ? s'enquit-elle, suspicieuse et réticente à le croire.
- Oui. D'ailleurs, je vais vendre ce bateau et en acquérir un autre plus agréable, et un peu plus spacieux.
A cette nouvelle, le soulagement envahit Lucia et insuffla en elle un vent de bien être. Changer de lieu de vie était la meilleure chose à faire pour lui, c'était un premier pas.
- Tant mieux. Je déteste celui-là.
On n'entendit plus que la brise pendant quelques minutes, mais Lucia reprit :
- Je ne pensais pas que mon coup d'éclat marcherait. Sinon, je t'aurais hurlé dessus plus tôt.
Sandro sourit en repensant à ce moment et eut une idée... pour le moins saugrenue.
- Joshua et Ana sont en lune de miel et... j'aimerais l'avis de quelqu'un pour le bateau en question... Tu... Tu pourrais être cette personne... Eventuellement. Si tu le veux.
Le jeune homme avait l'impression de s'embourber davantage et se tut, confus.
- Ca me ferait presque plaisir. Si tu ne m'avais pas traitée de grosse, j'aurais sincèrement apprécié que tu me choisisses.
- Désolée pour la vanne. Tu n'es pas grosse du tout.
Il aurait voulu lui dire à quel point elle était magnifique, mais le brun se retint, entrainé par un raz-de-marée de culpabilité. En la présence de ce rayon de soleil à la chevelure de feu, il oublierait presque le visage pâle et résolu de sa femme... Ema et ses grands yeux sombres... Ses yeux bleus, dont la couleur était comparable à celle d'un ciel nocturne encore trop clair pour accueillir les étoiles... Et quelle pureté dans cet azur froid !
- J'ai rendez-vous dans trois heures pour la visite d'un bateau sympa. On s'y retrouve ?
- Ok, lui accorda Lucia avec une pointe d'hésitation, qui se dissipa en voyant le sourire bienveillant de Sandro.
A quinze heures, ils sortirent donc du bateau à vendre, fortement emballés par leur visite. Sandro proposa à la belle rousse d'aller prendre un verre au Refuge d'Adriana. Elle accepta l'invitation ; elle commençait à vraiment apprécier le nouveau Sandro, qui riait, plaisantait, parlait avec gentillesse et faisait preuve d'esprit et de vivacité.
Les deux jeunes gens prirent leurs voitures, se suivirent sur la route jusqu'à l'hôtel et enfin, montèrent les marches donnant accès à la terrasse.
Ils se dirigèrent vers un serveur qui leur indiqua une table libre et leur apporta la carte. Ils firent le choix de commander des boissons typiques d'Isla Paradiso et les attendirent en discutant de tout et de rien. Leurs verres servis, un concert de bruits d'aspirations dans les pailles eut lieu à leur table.
- Merci de m'avoir accompagné, dit Sandro d'une voix douce.
- Pas de quoi. C'était agréable.
- J'ai trouvé aussi. Je ne te pensais pas capable d'être posée, réfléchie... Je ne l'ai appris que le soir de la fête, dans le patio. Depuis, je n'arrête pas de remarquer ces qualités dans ta manière d'agir, de parler.
- Je ne te croyais plus capable de rire, avoua-t-elle. Sauf avec Joshua.
- On dirait qu'on a tous les deux beaucoup à apprendre sur l'autre.
Lucia sourit.
- C'est plutôt ironique, en fait, déclara-t-elle. Apprendre à se connaitre après toutes ces années à se voir régulièrement, juste parce que je t'ai hurlé dessus. Mais mieux vaut tard que jamais, comme on dit. Et puis... Je suis surprise de voir que tu ne m'es pas antipathique.
Ses joues prirent une couleur rose et elle sirota un peu de son cocktail pour se redonner contenance. La phrase qu'elle venait de prononcer semblait, même à son oreille, ambiguë. Heureusement, Sandro regardait à ce moment-là l'eau turquoise, pensif, et ne remarqua rien, ni joues subitement colorées, ni double sens.
- Tu peins à nouveau ? le questionna-t-elle pour changer de sujet.
- Pas encore. Je pense m'y remettre bientôt. Mais il y a bien une évolution à... mon état. Grâce à toi.
- Il te fallait juste un petit coup de pouce, dit-elle avec modestie et en haussant les épaules.
Non, pensa-t-il. Il lui fallait un rayon de soleil pour lui montrer la voie, pour l'éclairer et le guider.
On vint récupérer les verres vides un peu après et Sandro se leva.
- Je vais payer l'addition, l'informa-t-il.
- Attends, je vais payer ma part.
Il secoua la tête en signe de refus.
- Laisse. Tu es venue me voir tout ce temps... Que je le veuille ou non, ça me permettait d'avoir un élément stable dans ma vie. Ca avait son importance. Donc, je paye. Je t'en prie, laisse-moi au moins faire ça.
Lucia, après cela, le fixa longuement, intriguée, et hocha la tête, vaincue.
Ils descendirent ensuite sur la plage pour une petite balade.
Distrait par le vol d'une mouette dans le ciel, Sandro ne s'aperçut pas qu'il était si proche de Lucia et effleura sa main ainsi que son avant bras. Gêné, il se décala d'un pas sur le côté et s'excusa :
- Désolé.
Quant à Lucia, elle sentit quelque chose remuer en elle à cet infime contact, pourtant bref puisqu'il ne dura qu'une seule seconde. Mais cette minuscule seconde déclencha des battements de coeur plus rapprochés.
- C'est rien. Je... Je dois retourner bosser à la maison, annonça la jeune femme en lui faisant face. Le croquis d'un haut à finir, tu vois ?
- Bien sûr. Merci beaucoup. Pour tout.
Elle détourna ses grands yeux verts.
- Ne me remercie pas. C'était normal.
- Non. C'était généreux. Je n'ai pas arrêté de te vanner et toi... Toi, tu m'as rappelé ce que personne n'osait me dire. Que je suis un artiste engagé, que je devais assumer cette charge parce que l'ancien Sandro l'assumait pleinement, sans se poser de questions.
- Je suis contente d'avoir pu t'aider. Je sais que rien ne sera plus comme avant mais... Continue à aller de l'avant. Même si tu dois faire des pauses pour te tourner un instant vers le passé, ne le laisse plus te consumer. Avant tu brillais, tu brillais en tant qu'artiste. Je veux qu'un jour tu étincelles. Pour toi. Pour elle. Pour le reste du monde.
Pour toi aussi, songea Lisandro.
- On se voit demain, le salua-t-elle.
La belle rousse tourna les talons et partit en sens opposé. Sandro regarda, comme souvent ces derniers temps, son rayon de soleil s'éloigner et se décida à rentrer chez lui, plus apaisé que jamais depuis la mort d'Ema.
***
Du côté des jeunes mariés, aux alentours de treize heures, on dégusta les salades composées et le poulet rôti préparés par Ana. Puis, ils se permirent un nouveau plongeon sous l'eau et passèrent le reste de l'après-midi à bronzer et à boire des jus de fruits. Un après-midi Farniente, en somme.
Bien sûr, Joshua ne put se retenir de prendre quelques clichés sous l'eau...
Cette merveilleuse journée devait cependant prendre fin et la nuit tomba sur l'île.
Les deux tourtereaux finirent donc par regagner le rivage d'une petite île qui servait de campement. Munis de leurs sacs à dos, ils marchèrent jusqu'au foyer, où ils se partagèrent les taches.
Joshua monta la tente après avoir retrouvé le sac où elle était rangée.
Quant à Adriana, elle posa son sac sur l'herbe fraiche et en sortit de quoi allumer un feu et de quoi manger. Ils dinèrent des restes du midi et s'offrirent, en guise de dessert, des chamallow grillés.
- On est vraiment un couple atypique. Passer sa lune de miel à plonger et à camper, c'est original, s'amusa la jeune femme.
- Je me fiche d'où on peut bien passer nos jours de congés, le meilleur endroit au monde, pour moi, c'est là où tu es.
- Oh, mon chéri... Je t'aime tant.
- Moi aussi.
Un baiser fut le dénouement de leur discussion...
Et après avoir éteint le feu, ils allèrent se coucher sous la tente et s'abandonnèrent au sommeil après un câlin digne de jeunes mariés.
2 commentaires
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique