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Episode 15 : La dernière décision.
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Par Liamia le 27 Octobre 2013 à 15:19
Les yeux cernés, habillé de la même manière que la soirée précédente, Lisandro semblait être dans un état second.
- Je suis désolée de te déranger si tôt, s'excusa-t-il d'une voix rauque, mais... Je dois te parler.
Lucia était éreintée. Après des heures d'angoisse et de remords, elle s'était enfin endormie. Et voilà qu'à présent, l'objet de tous ces sentiments se trouvait devant elle... La jeune femme, sans le vouloir, songea à nouveau à l'homme qui lui avait brisé le coeur et eut envie de répondre à Sandro qu'ils feraient mieux de ne plus se voir. Pourtant, elle savait que ce serait mal... Le plus brisé des deux, c'était lui. En conséquence, elle ne pouvait lui claquer la porte au nez. Et puis...
Il paraissait tellement perdu.
- Entre, je t'en prie.
Sandro franchit donc la porte et se plaça face à Lucia, qui avait reculé vers l'escalier en colimaçon. Il s'aperçut alors que la belle rousse ne portait qu'une simple nuisette...
- J'espère que je ne t'ai pas dérangée alors que tu... recevais de la visite, balbutia-t-il, gêné.
Lucia soupira. Les rumeurs allaient bon-train, sur une petite île. Et la demoiselle avait une sacrée réputation, elle le savait. Mais elle pensait que son ami aurait compris que, depuis quelques semaines, elle n'avait plus personne dans son lit et toujours le même homme à l'esprit : Sandro lui-même. Mais s'il la pensait capable de coucher à droite et à gauche, même après leur baiser, à qui la faute ? Qui se réfugiait dans les relations d'un soir depuis des années ?
- Sandro... Je n'ai plus invité d'hommes ici depuis le mariage de Joshua et d'Ana.
Bien malgré lui, le jeune homme fut très satisfait de l'apprendre. Il remarqua à peine la toute nouvelle lumière du jour derrière Lucia et se lança :
- Oh... Lucia, je... Je tiens beaucoup à toi. Tu as été là pour moi, comme une véritable amie. Et... J'aimais profondément Ema. Pourtant, aujourd'hui, elle... Elle n'est plus là et... Je sais qu'elle aurait voulu que...
Sa voix se brisa tant il était ému. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il était en train de faire, ses lèvres bougeaient seules, sans le consulter. Cependant, il décida de poursuivre car, au fond de lui, il savait que c'était la seule solution s'il voulait vivre.
- Elle aurait voulu que je trouve une femme bien, qui sache comment s'y prendre avec moi. Ce que je veux dire, c'est...
Ces paroles hésitantes bouleversèrent Lucia bien plus qu'elle ne voudrait jamais l'admettre.
- Oui ? l'encouragea-t-elle d'une voix douce.
Une fois de plus, Lisandro détourna les yeux de Lucia, peinant à articuler :
- Je voudrais qu'on essaye, Lucia. Je sais que toi aussi, tu as un passé amoureux très lourd et je veux que tu saches que... Je ne suis pas comme celui qui t'as jeté comme on change de chemise.
Lucia réfléchit un instant. Le lendemain de sa rupture avec Tom, ce dernier s'était trouvé une autre partenaire. Sandro, lui, continuait à pleurer sa femme des années après sa mort.
Alors, Lucia le prit dans ses bras et répondit :
- Je le sais. Et c'est pour ça que j'accepte de sortir avec toi.
- Tu es la femme la plus extraordinaire au monde, Lucia Rey.
- Tu es plutôt unique en ton genre, toi aussi, déclara-t-elle, solennelle. Bon, si on préparait des gauffres pour le petit déjeuner ? ajouta-t-elle en souriant et s'éloignant de lui.
Le jeune homme la retint fermement, et lui dit à voix basse :
- Hum, attends une seconde.
Puis, il l'embrassa avec beaucoup de douceur et de tendresse.
Il la regarda ensuite avec affection.
- On peut aller cuisiner, maintenant.
Et c'est ainsi qu'un beau matin, Lucia et Lisandro devinrent plus que des amis, et ce fait changea définitivement leur vie.
****
Une semaine s'écoula. Une semaine durant laquelle le nouveau couple était sorti à plusieurs reprises en ville et avait eu le bonheur de vivre une nouvelle fois les débuts idylliques d'une relation amoureuse. Ce fut aussi une semaine durant laquelle les deux jeunes gens oublièrent leur passé la plupart du temps pour pleinement profiter de l'instant présent...
Du côté de la Florale, Joshua et Ana poursuivaient leur vie le long du chemin qu'ils avaient pris ensemble. Ana était toujours l'objet de sautes d'humeur, et Joshua continuait à jongler entre son travail, les corvées ménagères et le devoir de réconforter sa femme de son mieux.
Ainsi, Ana s'éveilla tard un samedi matin. Maussade, elle réalisa que ses cauchemars étaient bien loin mais que sa fatigue au réveil faisait toujours acte de présence...
La jeune femme cligna des yeux, bascula ses jambes hors du lit et s'assit sur le rebord de ce dernier.
Elle se rendit alors compte que le lit était vide et entendit de l'eau couler en provenance de la salle de bain. Son mari devait sans doute prendre une douche. Ana, peu désireuse de lui parler dans cet état de morosité, décida d'utiliser la baignoire de l'étage inférieur pour prendre un bain et y alla en trainant les pieds.
Une fois dans l'eau bulleuse et agréablement chaude, elle se fit la réflexion que se recoucher ne serait pas une mauvaise idée...
Pendant ce temps, Joshua, qui avait pris l'habitude faire la lessive pour soulager sa femme de plus en plus harassée et émotive, fit le tour des paniers à linge de la maison et lança une machine.
Adriana, après s'être habillée d'une salopette, d'un T-shirt et d'une paire de ballerines - c'est à dire de vêtements qu'elle ne portait que les jours de grande déprime - et après avoir pris son petit déjeuner avec Joshua, se brossa les dents.
Lorsqu'elle eût terminé, Joshua arriva dans la pièce et lui demanda gentiment :
- Ca va ma puce ?
- Je sais pas trop... Je me sens barbouillée et...
La jeune femme se précipita vers les toilettes, s'agenouilla et vomit.
- Ana ? s'inquiéta le jeune homme.
Elle se releva péniblement et se tourna vers son mari, euphorique ; elle pensait avoir compris ce qu'il se passait en elle.
- Oh, chéri, je crois que je suis enceinte !
- Tu... Tu crois que... C'est vrai que tu es très... émotive, en ce moment, avoua-t-il en pesant ses mots, sachant que son épouse prenait régulièrement mal ses dires depuis quelques jours. Ne nous emballons pas. Je vais t'emmener à l'hôpital aujourd'hui, comme ça on sera fixé.
Sans trop savoir comment, les deux amants se retrouvèrent adossés contre un meuble de rangement en bois, tous deux fous de joie et enlacés...
- Si seulement j'étais enceinte, Joshua, chuchota-t-elle. Je serais tellement heureuse... Et je le suis déjà tant... Grâce à toi.
- Tu verras, on aura bientôt notre enfant dans nos bras.
- Tu voudrais une fille ou un garçon ? s'enquit-elle, curieuse.
- Et pourquoi pas les deux ? suggéra Joshua.
La jeune femme sourit devant son air insouciant et dit, tout bas :
- Je t'aime.
- Tu sais... Je crois que ma vie aussi repose sur ta simple existence, lui confia-t-il.
- Tu dis ça car tu veux des enfants depuis longtemps et que je vais enfin exaucer ton souhait ?
- Non. Je dis ça car tu me combles de joie même quand tu me cries dessus, comme c'est souvent le cas en ce moment.
Ils rirent et s'embrassèrent sans voir défiler les minutes...
****
Ce même jour, Sandro arriva chez Lucia aux alentours de quinze heures avec sa voiture toute neuve. Il descendit donc du véhicule.
Quant à sa petite amie, elle s'était ruée vers les baies vitrées de la cuisine, là où ils s'étaient embrassés pour la seconde fois, dès qu'elle avait entendu la voiture du jeune homme.
Le brun lui sourit et lui fit signe.
Enthousiaste, Lucia le rejoignit dehors et eut la surprise de recevoir un baisemain.
Touchée par cette attention romantique, la belle rousse eut recours à une marque d'affection plus... habituelle. Elle pressa donc ses lèvres contre celles de son amoureux avec beaucoup de douceur.
Quand elle mit fin à ce merveilleux baiser, Sandro observa chaque trait de son visage et chuchota :
- Bonjour, mon rayon de soleil.
- Bonjour, beau brun. Je suis contente de te voir. Où est-ce qu'on va aujourd'hui ? fit-elle, intéressée.
- Eh bien, je te propose de grignoter au café de Rebecca et d'aller nous détendre au bord de la mer. Ca te tente ? dit-il d'une voix cajoleuse.
La jeune femme accepta et ils se rendirent au fameux café.
Le jeune couple alla commander directement auprès de l'employée et se fit servir assez rapidement.
Tout en mangeant les pâtisseries, ils discutèrent, plaisantèrent et échangèrent des bribes de leurs vies respectives, comme tous les couples au début de leur relation.
- ... Et c'est à ce moment-là qu'Ana est sortie de la salle de bain en criant : "Lucy ! Je vais te tuer !". Bien sûr, je n'ai pas compris tout de suite et puis... Je me suis rapelée que j'avais laissé dormir l'une de mes conquêtes dans la baignoire. Franchement, Ana a été très dure avec moi. Qu'est-ce que j'y pouvais si elle avait enlevé tous ses vêtements sans vérifier qu'il n'y avait personne derrière le rideau de douche ?
La jeune femme avait raconté cela avec une moue martyre, ce qui contribua largement au fou rire de Sandro.
- Tu es incroyable ! s'amusa Sandro. Tu avais quel âge, à ce moment-là ? Dix-huit ans ? Dix-neuf à tout casser ?
- Ben... C'était l'année dernière quand j'avais dormi quelques nuits à la Florale, pourquoi ? demanda la styliste sans voir où il voulait en venir.
Le rire de Sandro ne s'éteint que bien plus tard ; la jeune femme avait bien d'autre anecdotes à raconter.
- Oh je t'en prie, s'exclama-t-elle au bout d'un moment, agacée par ces rires, je sais que tu as eu une jeunesse très... mouvementée.
- Joshua t'en a parlé ? s'indigna Sandro. Quel traître !
Pourtant, il ne s'emporta pas. Le fait que Lucia connaissait une partie secrète de son passé ne le dérangeait pas vraiment. Après tout, elle était sa petite amie, désormais. De plus, une vengeance était toujours possible, en ce qui concernait son meilleur ami...
- Je t'ai déjà raconté quand notre cher Joshua s'est fait découvrir par ses parents dans sa chambre avec une fille ? Et ils n'étaient pas en train de jouer au Monopoly, crois-moi, affirma-t-il malicieusement.
Un quart d'heure plus tard, les deux jeunes gens se calmèrent et revinrent à des sujets plus neutres.
- Ce brownie est super bon, dit Lucia.
- On m'a beaucoup recommandé cet endroit. Je suis content qu'il te plaise.
****
Joshua avait donc emmené sa femme à l'hôpital de la ville et, au retour, ils en parlèrent ensemble autour de leur déjeuner.
- Quand je pense qu'il va falloir attendre plusieurs heures pour avoir les résultats de la prise de sang, se lamenta la jeune femme.
- Allons chérie, les médecins n'y peuvent rien si l'hôpital manque de personnel dans les labos... D'ailleurs, ça passera plus vite si tu penses à autre chose. Tu veux qu'on sorte après manger ?
- C'est gentil mon amour mais je préfère rester à la maison.
Peu après, Ana changea d'avis et ils plongèrent sous l'océan turquoise. Leur virée fut pourtant écourtée : la jeune femme était trop fatiguée.
Cette dernière testa une nouvelle recette de pancakes après une longue sieste...
... Pendant que Joshua faisait son sport quotidien afin d'être en forme pour son travail.
****
Après leur pause dégustation, Sandro et Lucia se dirigèrent vers la plage, qui était de l'autre côté de la route, et s'étendirent l'un près de l'autre dans ce monde momentanément calme et rassurant. Depuis quand, songeaient-ils tous deux, n'avaient-ils pas autant été heureux ?
Songeur, Sandro avoua à Lucia sans y penser une chose qu'il ne lui avait encore jamais dite :
- Je t'aime.
La belle rousse, émue comme elle ne l'avait jamais été auparavant, se retourna sur le flanc, entrelaça ses propres doigts à ceux de Sandro et lui offrit un baiser qui répondit à sa place. Cependant, Lucia ajouta, désireuse d'être claire :
- Je suis follement amoureuse de toi, moi aussi.
Plus tard, ils ôtèrent leur vêtements de ville pour ne garder que leur maillots de bain et s'amusèrent dans la mer comme deux enfants.
En revenant sur le sable, Lucia eut une idée...
Et Sandro eut le plaisir de lui accorder sa requête : immortaliser le premier moment où tout allait bien pour eux deux depuis très longtemps.
Après cette photographie, le jeune homme dévisagea longuement Lucia,...
... et, sans écouter les voix du passé, il l'attira contre lui...
... Pour tout oublier et vivre l'instant présent.
Et ce fut ainsi tout l'après-midi : baiser, jeux et gestes tendres... Quand le soleil débuta sa descente vers l'horizon, ils quittèrent la plage au profit d'un lieu plus intime : le salon de Sandro.
Alors qu'ils s'embrassaient avec plus d'ardeur qu'ils ne l'avaient voulu...
Lucia lut l'heure sur l'horloge murale derrière Sandro.
- Oh non ! Je devais finir mes croquis !
La belle rousse s'excusa, posa un baiser sur sa joue, lui glissa un dernier "je t'aime" et partit du bateau en deux secondes.
Dépité, Sandro se leva et vit le vase noir près de la télévision. Il lui fit penser à un autre vase, présent dans une autre maison... Celle qu'il avait partagée avec Ema.
Et soudain, Sandro sombra de nouveau dans l'abîme de son passé, sans possibilité de remonter à la surface du présent. La mélancolie lui serra le coeur et le fit se sentir tellement oppressé...
Pour se sauver de lui-même, il se servit un verre et, à la première gorgée, il sut que l'alcool ne lui serait d'aucune aide, ce soir-là... Le jeune homme posa le verre sur le bar, las.
Dans son esprit, des faits s'enchainèrent. Il s'appelait Lisandro et avait vingt-six ans. Sa femme était morte par sa faute et il n'arrivait pas à se le pardonner. Pourtant, il en aimait déjà une autre et chacun des départs de cette femme le laissait complétement abattu, comme s'il revivait la mort d'Ema...
A présent désespéré, Sandro chercha une échappatoire...
S'il voulait mettre un terme à ses souffrances, il pourrait rejoindre Ema. Mais il n'en avait pas le droit, au même titre qu'être heureux lui était désormais défendu. Néanmoins, Sandro savait que se tuer ou rompre rendrait Lucia très malheureuse. Son rayon de soleil qui apaisait tous ses malheurs... Comment lui faire cela ?
Enfin, le jeune homme se posa une dernière question :
Qu'avait-il à apporter à un soleil qui subvenait à son besoin de chaleur par lui-même ?
Dans ce moment de folie, Sandro ne put retenir une larme et prit une terrible décision : la dernière de sa vie.
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